Récit
Deuxième tome de la saga épique de Steven Erikson, Les Portes de la Maison des morts nous emmènent sur le vaste continent de Sept-Cités, au cœur du Saint-Désert de Raraku où l'oracle Sha'ik rassemble son armée pour une rébellion des plus sanglantes : un maelström de fanatisme et de férocité qui façonnera des destinées et enfantera des légendes...
Félisine, la plus jeune fille de la Maison Paran, tombée en disgrâce, rêve de vengeance dans les mines d’Otataral.
Pendant ce temps, le sapeur Violain et l'assassin Kalam, deux Brûleurs de Ponts devenus hors-la-loi, se sont fixé comme mission de ramener la jeune Apsalar chez elle et, ce faisant, de confronter l'Impératrice Laseen.
Tandis qu’à Hissar, Coltaine, commandant de la 7ème Armée de Malaz, s'apprête à lancer ses fidèles Wickiens et ses troupes dans une ultime bataille pour sauver les populations jetées sur les routes par le chaos de la rébellion.
C’est ce moment que choisissent deux vagabonds séculaires pour revenir : Mappo le Trell et son compagnon Icarium de demi-sang Jaghut, porteurs d'un secret dévastateur qui menace de rompre ses chaînes à tout instant...
Avis de non objectivité (bis repetita)
Il s'agit de ma troisième lecture de ce tome, donc autant annoncer la couleur de suite : ce livre, c'est de la bombe. Achetez-le, lisez-le, vivez-le ! Faites vous happer par ce récit plein de magie et de fureur.
Bon promis, c'est la dernière fois que je vous fais le coup, pour les prochains, j'attends la traduction en VF depuis plus de 10 ans, donc ça sera (enfin ?) de la critique objective... Enfin objective dans le sens où je ne suis pas sûr de la note à mettre avant lecture hein. Je suis sûr que ça va me plaire.
Un poil excessif ? Vous doutez encore après avoir lu ce premier tome suite à ma première chronique ? Ah que voilà un esprit chagrin ! Et bien pas plus qu'avant, si ce n'est que ce tome est réputé mieux plaire que le précédent.
À titre personnel, je le trouve mieux construit, mais moins plaisant que le premier. Cela dit, c'est purement cosmétique, vu que je note pas au centième de point.
Impression
Traduction
Concernant la traduction, ce second tome a été traduit pas un traducteur différent du premier tome. Même si une homogénéisation a été réalisé, il apparaît ça et là des différences.
Cela dit, ces variations, sans doute en partie liées à ce changement de traducteur (ils sont 2 à se répartir les 10 tomes de la saga), sont à mon avis principalement lié au changement d'écriture de l'auteur.
En effet, autant le premier tome a été écrit initialement comme base d'un script pour un film, ce dernier n'a pas du tout été conçu avec cette perspective. Ça et le fait que le temps aidant, l'auteur a évoluer aussi dans sa technique d'écriture.
Bref, en tout état de cause, rien ne m'a particulièrement choqué à ce sujet.
Côté coquilles et fautes, il y en a sans aucun doute, mais clairement rien qui ne me fasse regretter ou qui ne vienne gâcher cette lecture.
Pour les termes employés, hormis le « Yep » qui peut s'expliquer dans la bouches des originaires de Sept-Cités, j'ai effectivement eu un peu de mal avec sa fréquence d'emploi, y compris par des personnages qui n'avaient pas nécessairement besoin de l'employer - rapport à leurs origines.
Cela étant dit, c'est pas non plus le point le plus important du récit vous en conviendrez.
Un mot qui m'a paru bizarre au premier abord, est l'emploi du verbe « aspecter » (et de ses dérivés). Ça fait bizarre, cela dit, comme l'utilisation de ce mot se fait en rapport de tout ce qui est impacté, modifié ou mis en œuvre par une garenne de magie, au final, je trouve que ça permet d'établir un vocable associé à l'utilisation de la magie.
Je trouve ça dérangeant à la lecture, mais quelque part, ça permet aussi de mettre un aspect dérangeant dès lors que la magie intervient ce qui n'est pas totalement hors de propos dans le cadre du récit.
En un mot comme en cent : la traduction est tout à fait acceptable (si ce n'est plus - je ne suis pas expert du domaine) et ne m'a pas semblé dénaturer le texte d'origine. Bref, passez oûtre des éventuels commentaires bloquant sur le sujet, même s'ils peuvent être fondés pour certains, ils n'en reste pas moins que l'objectif de nous fournir une belle histoire dans la langue de Molière sans trahir l'auteur est atteint.
Une lecture moins filante
Un dernier point, et non des moindres, c'est que, comme pour le premier tome, un comparatif par rapport à l'édition précédente fait toujours apparaître l'abscence de séparations mises en
place lorsque, au sein d'un même chapitre, on change d'acteur, de lieu ou de temps.
Croyez-le ou non, mais dans les anciennes éditions, rien ne séparait physiquement ces changements si ce n'est un saut de paragraphe. Au lecteur de prêter attention et de resituer les éléments
lors de leur lecture (et je vous dis pas quand le changement se passait... vers la fin d'une page).
Dans la nouvelle édition, ces changements de points de vue narratifs sont marqués par une triple astérisque.
Si vous voulez voir ce que ça donne en comparaison... Mais c'est pas beau à lire (exemple issu du premier tome - mais c'est identique pour ce second tome).
Couverture
Côté couverture, on est de nouveau servi de manière exceptionnelle par monsieur Simonetti qui s'arrange pour pondre une superbe couverture. Magique et pleinement en conformité avec l'image que je me faisait de la scène.
Il est toutefois assez drôle de voir que la couverture ne s’appuie pas du tout sur la scène montrée par la version américaine, qui elle représentait la rébellion de Sha'ik et la voie des Mains, ni même sur le titre du tome puisque ce n'est pas la Maison des morts qui est représentée.
Et j'avoue que je serai interessé de savoir pourquoi cette scène-là entre toute a été choisie.
Dans tous les cas, j'ai clairement été séduit par cette couverture.
Scénario
Contrairement à l'opus précédent, l'histoire va ici moins s'attacher à des groupes de personnage, mais plus à l'histoire d'un continent, Sept-Cités, et par là des différents groupes qui le parcourent pendant la rébellion de Sha'ik.
Car changement de secteur, l'histoire se déroule sur le continent de Sept-Cités, chronologiquement après le tome 1 (et en même temps que le tome 3).
On va donc avoir un fil rouge bien plus conséquent, à savoir ici la rébellion de Sha'ik et la chaîne des Chiens de Coltaine, ainsi que les différents événements qui s'y raccrochent.
Côté histoire, c'est une histoire épique, une histoire tonitruante, une histoire à couper le souffle fait d'impossibles possibles en ode à la ténacité de l'Homme (pour le meilleur et pour le pire) qui nous est servie.
Des combats à couper le souffle, mais aussi des huis-clos psychologiques (ou psychotiques) et toujours, toujours, des histoires dans les histoires.
Les intrigues politiques, même si plus éloignées et moins au centre du récit, restent présentes et apportent leurs lots de stratégies à tiroirs et de traîtrises qui jaillissent à point nommé à l'encontre des différents partis.
Et toujours, quel amusement, quel plaisir que de voir un détail précédemment remarqué
prendre forme ? Quel plaisir de voir remettre en question des scènes vécues plus tôt... et ouvrir des possibilités immenses. Sans parler des remises en question de fond qui apparaissent au fil des pages.
Et puis ce récit apporte aussi de quoi tourmenter nos nuits en nous fournissant de quoi échafauder des hypothèses pour le futur.
Par exemple, en spoiler une théorie qui, n'est pas un spoiler en soi car je ne sais pas si je vise juste ou non, mais basée sur des éléments qui proviennent du récit. À ne lire qu'après lecture du livre donc (ça vous donnera une raison de revenir sur ma chronique !).
Par exemple, la rencontre avec le prêtre Tanno qui engage tant de conséquences. Non seulement dans le déroulement du récit - que vous découvrirez en tant et en heure - mais surtout dans l'ouverture du futur. N'est-il pas dit qu'une chanson d'un prêtre Tanno peut mener à l'ascendance ? Hors si Violain refuse de se faire toucher pour ce faire, il est évident que le prêtre est passé outre dans la suite du récit. Est-ce réellement un prémisse à l'ascendance des Brûleurs de Ponts ? Déjà que les Marines qui ont accompagné Félisine et compagnie sont proches de l'Ascendance...
Bref, amateurs d'intrigues, vous serez servis, comme d'habitude.
Personnages
Côté personnages, même si on reste sur un grand casting, le nombre de personnages significatifs diminue un peu par rapport au premier tome d'une part, mais surtout se recentrent par thématique du récit. Appréhender qui est qui est donc beaucoup plus facile.
Pour le coup, on va avoir plusieurs groupes principaux à suivre :
Vous cherchiez de l'épique ? Coltaine va vous en remontrer. Lui, ses clans, son armée et Druiker l'Historien impérial vont redéfinir la signification des mots « sacrifice » et « devoir », sans parler de l'humour caustique associée aux différents protagonistes.
Et pour le coup, si vous aviez du mal à vous attacher à des personnages avant, je gage que la 7ème saura compenser les faiblesse de l'armée de Dujek sur le sujet.
Prisonniers des mines d'Otataral, chacun pour des raisons qui leur sont propres, chacun à la recherche d'un objectif qui lui est propre. Les suivre c'est voir l'évolution psychologique de ces 3 compagnons qui ne se sont pas choisis et qui, pour survivre, devront apprendre à... S'entraider ? Non pas vraiment... À ne pas s’entre-tuer peut-être pour commencer.
Une partie de l'escouade est de la partie avec Violain (le sapeur) et Kalam (l'assassin) qui sont partis accompagner Apsalar - anciennement Mes Regrets, fille de pêcheur utilisée par Cotillon / La Corde, le dieu des assassins - à la recherche de son père, le tout accompagné du jeune Crockus - voleur et aussi amoureux d'Apsalar.
On notera que pour aucun des Brûleurs de Pont, cette balade ne semble facile et que les pièges du passé les guettent, Violain ayant fait parti de ceux qui ont conquis le continent par le passé, tandis que Kalam en est originaire avant d'intégrer les Brûleurs de Ponts. Je vous laisse donc imaginer qu'ils n'accompagnent sûrement pas Aspalar par pur altruisme.
À noter que j'ai trouvé que l'évolution de Crockus était « surprenante » au regard de son attitude dans les Jardins de la Lune.
Sans doute le couple de personnage qui m'a fait le plus vibrer. Le mystère qui plane sur leur destiné se dévoile au fur et à mesure de leur périple, et le déchirement qui entache leur amitié est un supplice qui n'a d'équivalent en amertume que la force de leurs liens d'amitié et la durée de leur vagabondage.
Car au final, n'est-il pas le point central de toutes les histoires qui sont contées ? N'est-il pas celui qu'on découvre au fur et à mesure des périples de chacun ?
Un désert que le récit rend presque aussi complexe qu'une personnage à part entière... Avec un passé tout aussi riche.
Comme pour le premier opus, on croise de jeunes innocents en devenir, mais aussi des vieux briscards brisés par la vie, des jeunes que la vie brise dès le départ, et des vieux briscards qui se redécouvrent une vie.
Chacun des personnages dépeints ont leur propre motivation, leur propre psyché, leurs propres démons et part d'ombre. Le manichéisme n'existe pas. Nul n'est méchant ou gentil par essence. Mais chacun cherche quelque chose à assouvir.
Et c'est l'assemblage de toutes ces motivations, qui vont dans le même sens ou qui s'affrontent, qui donne un aspect si grandiose à cet opus.
Et puis comme j'aime les personnages décalés et cryptiques, un petit coucou à Iksaral Pust, dont la lecture de chacune de ses phrases est source de questionnement et potentiellement de révélations.
Côté univers, toujours aussi grandiose, toujours aussi bien décrit... et jamais fourni avec le mode opératoire. Au lecteur d'assembler les éléments, de convertir les bribes éparses pour construire le puzzle de ce background grandiose et qui ne fait que s’agrandir.
On notera aussi qu'en plus de s'étoffer, ce background se précise, car on y découvre des éléments qui viennent préciser des éléments introduits précédemment, ou au contraire complexifier ce qui semblait être relativement simple.
« Et derrière chaque réponse se cachent des questions » pourrait être le leitmotiv du background de cette saga.
Ainsi, on en apprendra plus notamment sur les Jaghuts et les T'Lan Imass, sur les
Azaths, sur les Tistes Andii et sur les Garennes. Des notions déjà rencontrées dans le tome 1 mais qui se verront préciser à tout le moins.
Un 20/20 pour ce tome.
Ce tome manie l'épique avec maestria. Je ne crois pas avoir encore croisé de livre de Fantasy m'ayant fait ressentir cela comme ça.
Ce tome est moins difficile d'accès que le premier opus, sans toutefois en venir à vous prendre par la main, ce n'est clairement pas le style de l'auteur.
Il est épique certes, mais il n'en reste pas moins au lecteur de réfléchir et d'assembler par lui même les éléments de complément de l'univers d'une part, mais aussi des différentes intrigues qui émergent ça et là.
Complexe, riche, et ô combien bien construit. Continuez avec moi dans ce superbe univers ! Laissez-vous tenter, vous ne serez pas déçu... Et rendez-vous rapidement pour la suite... inédite en VF !
PS : ah oui, j'ai rien dit à ce sujet, mais quand même... quel final !