Les Portes de la Maison des morts - Le Livre des Martyrs, tome 02 / Steven Erikson

Couverture livre - critique littéraire - Les portes de la maison des morts, tome 2 du Livre des Martyrs de Steven Erikson

Récit

Deuxième tome de la saga épique de Steven Erikson, Les Portes de la Maison des morts nous emmènent sur le vaste continent de Sept-Cités, au cœur du Saint-Désert de Raraku où l'oracle Sha'ik rassemble son armée pour une rébellion des plus sanglantes : un maelström de fanatisme et de férocité qui façonnera des destinées et enfantera des légendes...

Félisine, la plus jeune fille de la Maison Paran, tombée en disgrâce, rêve de vengeance dans les mines d’Otataral.

Pendant ce temps, le sapeur Violain et l'assassin Kalam, deux Brûleurs de Ponts devenus hors-la-loi, se sont fixé comme mission de ramener la jeune Apsalar chez elle et, ce faisant, de confronter l'Impératrice Laseen.

Tandis qu’à Hissar, Coltaine, commandant de la 7ème Armée de Malaz, s'apprête à lancer ses fidèles Wickiens et ses troupes dans une ultime bataille pour sauver les populations jetées sur les routes par le chaos de la rébellion.

C’est ce moment que choisissent deux vagabonds séculaires pour revenir : Mappo le Trell et son compagnon Icarium de demi-sang Jaghut, porteurs d'un secret dévastateur qui menace de rompre ses chaînes à tout instant...

Avis de non objectivité (bis repetita)

Il s'agit de ma troisième lecture de ce tome, donc autant annoncer la couleur de suite : ce livre, c'est de la bombe. Achetez-le, lisez-le, vivez-le ! Faites vous happer par ce récit plein de magie et de fureur.

Bon promis, c'est la dernière fois que je vous fais le coup, pour les prochains, j'attends la traduction en VF depuis plus de 10 ans, donc ça sera (enfin ?) de la critique objective... Enfin objective dans le sens où je ne suis pas sûr de la note à mettre avant lecture hein. Je suis sûr que ça va me plaire.

Un poil excessif ? Vous doutez encore après avoir lu ce premier tome suite à ma première chronique ? Ah que voilà un esprit chagrin ! Et bien pas plus qu'avant, si ce n'est que ce tome est réputé mieux plaire que le précédent.
À titre personnel, je le trouve mieux construit, mais moins plaisant que le
premier. Cela dit, c'est purement cosmétique, vu que je note pas au centième de point.

Impression

Traduction

Concernant la traduction, ce second tome a été traduit pas un traducteur différent du premier tome. Même si une homogénéisation a été réalisé, il apparaît ça et là des différences.
Cela dit, ces variations, sans doute en partie liées à ce changement de traducteur (ils sont 2 à se répartir les 10 tomes de la saga), sont à mon avis principalement lié au changement d'écriture de l'auteur.
En effet, autant le premier tome a été écrit initialement comme base d'un script pour un film, ce dernier n'a pas du tout été conçu avec cette perspective. Ça et le fait que le temps aidant, l'auteur a évoluer aussi dans sa technique d'écriture.
Bref, en tout état de cause, rien ne m'a particulièrement choqué à ce sujet.

Côté coquilles et fautes, il y en a sans aucun doute, mais clairement rien qui ne me fasse regretter ou qui ne vienne gâcher cette lecture.

Pour les termes employés, hormis le « Yep » qui peut s'expliquer dans la bouches des originaires de Sept-Cités, j'ai effectivement eu un peu de mal avec sa fréquence d'emploi, y compris par des personnages qui n'avaient pas nécessairement besoin de l'employer - rapport à leurs origines.
Cela étant dit, c'est pas non plus le point le plus important du récit vous en conviendrez.

Un mot qui m'a paru bizarre au premier abord, est l'emploi du verbe « aspecter » (et de ses dérivés). Ça fait bizarre, cela dit, comme l'utilisation de ce mot se fait en rapport de tout ce qui est impacté, modifié ou mis en œuvre par une garenne de magie, au final, je trouve que ça permet d'établir un vocable associé à l'utilisation de la magie.
Je trouve ça dérangeant à la lecture, mais quelque part, ça permet aussi de mettre un aspect dérangeant dès lors que la magie intervient ce qui n'est pas totalement hors de propos dans le cadre du récit.

En un mot comme en cent : la traduction est tout à fait acceptable (si ce n'est plus - je ne suis pas expert du domaine) et ne m'a pas semblé dénaturer le texte d'origine. Bref, passez oûtre des éventuels commentaires bloquant sur le sujet, même s'ils peuvent être fondés pour certains, ils n'en reste pas moins que l'objectif de nous fournir une belle histoire dans la langue de Molière sans trahir l'auteur est atteint.

Une lecture moins filante

Un dernier point, et non des moindres, c'est que, comme pour le premier tome, un comparatif par rapport à l'édition précédente fait toujours apparaître l'abscence de séparations mises en place lorsque, au sein d'un même chapitre, on change d'acteur, de lieu ou de temps.
Croyez-le ou non, mais dans les anciennes éditions, rien ne séparait physiquement ces changements si ce n'est un saut de paragraphe. Au lecteur de prêter attention et de resituer les éléments lors de leur lecture (et je vous dis pas quand le changement se passait... vers la fin d'une page).
Dans la nouvelle édition, ces changements de points de vue narratifs sont marqués par une triple astérisque.
Si vous voulez voir ce que ça donne en comparaison... Mais c'est pas beau à lire (exemple issu du premier tome - mais c'est identique pour ce second tome).

Couverture

Côté couverture, on est de nouveau servi de manière exceptionnelle par monsieur Simonetti qui s'arrange pour pondre une superbe couverture. Magique et pleinement en conformité avec l'image que je me faisait de la scène.

Il est toutefois assez drôle de voir que la couverture ne s’appuie pas du tout sur la scène montrée par la version américaine, qui elle représentait la rébellion de Sha'ik et la voie des Mains, ni même sur le titre du tome puisque ce n'est pas la Maison des morts qui est représentée.
Et j'avoue que je serai interessé de savoir pourquoi cette scène-là entre toute a été choisie.
Dans tous les cas, j'ai clairement été séduit par cette couverture.

Scénario

Contrairement à l'opus précédent, l'histoire va ici moins s'attacher à des groupes de personnage, mais plus à l'histoire d'un continent, Sept-Cités, et par là des différents groupes qui le parcourent pendant la rébellion de Sha'ik.
Car changement de secteur, l'histoire se déroule sur le continent de Sept-Cités, chronologiquement après le tome 1 (et en même temps que le tome 3).
On va donc avoir un fil rouge bien plus conséquent, à savoir ici la rébellion de Sha'ik et la chaîne des Chiens de Coltaine, ainsi que les différents événements qui s'y raccrochent.

Côté histoire, c'est une histoire épique, une histoire tonitruante, une histoire à couper le souffle fait d'impossibles possibles en ode à la ténacité de l'Homme (pour le meilleur et pour le pire) qui nous est servie.

Des combats à couper le souffle, mais aussi des huis-clos psychologiques (ou psychotiques) et toujours, toujours, des histoires dans les histoires.
Les intrigues politiques, même si plus éloignées et moins au centre du récit, restent présentes et apportent leurs lots de stratégies à tiroirs et de traîtrises qui jaillissent à point nommé à l'encontre des différents partis.

Et toujours, quel amusement, quel plaisir que de voir un détail précédemment remarqué prendre forme ? Quel plaisir de voir remettre en question des scènes vécues plus tôt... et ouvrir des possibilités immenses. Sans parler des remises en question de fond qui apparaissent au fil des pages.

Et puis ce récit apporte aussi de quoi tourmenter nos nuits en nous fournissant de quoi échafauder des hypothèses pour le futur.

Par exemple, en spoiler une théorie qui, n'est pas un spoiler en soi car je ne sais pas si je vise juste ou non, mais basée sur des éléments qui proviennent du récit. À ne lire qu'après lecture du livre donc (ça vous donnera une raison de revenir sur ma chronique !).

Par exemple, la rencontre avec le prêtre Tanno qui engage tant de conséquences. Non seulement dans le déroulement du récit - que vous découvrirez en tant et en heure - mais surtout dans l'ouverture du futur. N'est-il pas dit qu'une chanson d'un prêtre Tanno peut mener à l'ascendance ? Hors si Violain refuse de se faire toucher pour ce faire, il est évident que le prêtre est passé outre dans la suite du récit. Est-ce réellement un prémisse à l'ascendance des Brûleurs de Ponts ? Déjà que les Marines qui ont accompagné Félisine et compagnie sont proches de l'Ascendance...

Bref, amateurs d'intrigues, vous serez servis, comme d'habitude.

Personnages

Côté personnages, même si on reste sur un grand casting, le nombre de personnages significatifs diminue un peu par rapport au premier tome d'une part, mais surtout se recentrent par thématique du récit. Appréhender qui est qui est donc beaucoup plus facile.

Pour le coup, on va avoir plusieurs groupes principaux à suivre :

Coltaine du clan du Corbeau

Coltaine, les Wickiens et la 7ème dans leur périple maudit

Vous cherchiez de l'épique ? Coltaine va vous en remontrer. Lui, ses clans, son armée et Druiker l'Historien impérial vont redéfinir la signification des mots « sacrifice » et « devoir », sans parler de l'humour caustique associée aux différents protagonistes.
Et pour le coup, si vous aviez du mal à vous attacher à des personnages avant, je gage que la 7ème saura compenser les faiblesse de l'armée de Dujek sur le sujet.

Héboric aux doigts légers

Félisine, Héboric et Baudin - le trio improbable

Prisonniers des mines d'Otataral, chacun pour des raisons qui leur sont propres, chacun à la recherche d'un objectif qui lui est propre. Les suivre c'est voir l'évolution psychologique de ces 3 compagnons qui ne se sont pas choisis et qui, pour survivre, devront apprendre à... S'entraider ? Non pas vraiment... À ne pas s’entre-tuer peut-être pour commencer.

Kalam Melkhar - brûleur de ponts

Les Brûleurs de Pont

Une partie de l'escouade est de la partie avec Violain (le sapeur) et Kalam (l'assassin) qui sont partis accompagner Apsalar - anciennement Mes Regrets, fille de pêcheur utilisée par Cotillon / La Corde, le dieu des assassins - à la recherche de son père, le tout accompagné du jeune Crockus - voleur et aussi amoureux d'Apsalar.
On notera que pour aucun des Brûleurs de Pont, cette balade ne semble facile et que les pièges du passé les guettent, Violain ayant fait parti de ceux qui ont conquis le continent par le passé, tandis que Kalam en est originaire avant d'intégrer les Brûleurs de Ponts. Je vous laisse donc imaginer qu'ils n'accompagnent sûrement pas Aspalar par pur altruisme.

À noter que j'ai trouvé que l'évolution de Crockus était « surprenante » au regard de son attitude dans les Jardins de la Lune.

Mappo le Trell et Icarium le demi-Jaghut

Mappo le Trell et Icarium le demi Jaghut

Sans doute le couple de personnage qui m'a fait le plus vibrer. Le mystère qui plane sur leur destiné se dévoile au fur et à mesure de leur périple, et le déchirement qui entache leur amitié est un supplice qui n'a d'équivalent en amertume que la force de leurs liens d'amitié et la durée de leur vagabondage.

Sha'ik et le Tourbillon

Le Saint-désert Raraku

Car au final, n'est-il pas le point central de toutes les histoires qui sont contées ? N'est-il pas celui qu'on découvre au fur et à mesure des périples de chacun ?

Un désert que le récit rend presque aussi complexe qu'une personnage à part entière... Avec un passé tout aussi riche.

Comme pour le premier opus, on croise de jeunes innocents en devenir, mais aussi des vieux briscards brisés par la vie, des jeunes que la vie brise dès le départ, et des vieux briscards qui se redécouvrent une vie.
Chacun des personnages dépeints ont leur propre motivation, leur propre psyché, leurs propres démons et part d'ombre. Le manichéisme n'existe pas. Nul n'est méchant ou gentil par essence. Mais chacun cherche quelque chose à assouvir.
Et c'est l'assemblage de toutes ces motivations, qui vont dans le même sens ou qui s'affrontent, qui donne un aspect si grandiose à cet opus.

Et puis comme j'aime les personnages décalés et cryptiques, un petit coucou à Iksaral Pust, dont la lecture de chacune de ses phrases est source de questionnement et potentiellement de révélations.

Univers

Côté univers, toujours aussi grandiose, toujours aussi bien décrit... et jamais fourni avec le mode opératoire. Au lecteur d'assembler les éléments, de convertir les bribes éparses pour construire le puzzle de ce background grandiose et qui ne fait que s’agrandir.

On notera aussi qu'en plus de s'étoffer, ce background se précise, car on y découvre des éléments qui viennent préciser des éléments introduits précédemment, ou au contraire complexifier ce qui semblait être relativement simple.
« Et derrière chaque réponse se cachent des questions » pourrait être le leitmotiv du background de cette saga.

Ainsi, on en apprendra plus notamment sur les Jaghuts et les T'Lan Imass, sur les Azaths, sur les Tistes Andii et sur les Garennes. Des notions déjà rencontrées dans le tome 1 mais qui se verront préciser à tout le moins.

Note

Un 20/20 pour ce tome.

Ce tome manie l'épique avec maestria. Je ne crois pas avoir encore croisé de livre de Fantasy m'ayant fait ressentir cela comme ça.

Ce tome est moins difficile d'accès que le premier opus, sans toutefois en venir à vous prendre par la main, ce n'est clairement pas le style de l'auteur.
Il est épique certes, mais il n'en reste pas moins au lecteur de réfléchir et d'assembler par lui même les éléments de complément de l'univers d'une part, mais aussi des différentes intrigues qui émergent ça et là.

À titre personnel, je le trouve légèrement en deçà du précédent tome, sans doute du fait d'un nombre d'intrigues au m² en baisse, mais on reste quand même sur un summum du genre.

Complexe, riche, et ô combien bien construit. Continuez avec moi dans ce superbe univers ! Laissez-vous tenter, vous ne serez pas déçu... Et rendez-vous rapidement pour la suite... inédite en VF !

PS : ah oui, j'ai rien dit à ce sujet, mais quand même... quel final !

Série : Le cycle malazéen

Le livre des Martyrs

  1. Les Jardins de la Lune (avis)
  2. Les Portes de la Maison des morts (avis)
  3. Les Souvenirs de la glace (avis)
  4. La Maison des chaînes (avis)
  5. Les Marées de minuit (avis)
  6. Les Osseleurs (avis)
  7. Le Souffle du Moissonneur (non lu)
  8. La Rançon des Molosses (non lu)
  9. Poussières de rêves (prévu 2022)
  10. Le Dieu estropié (prévu 2022)

The Kharkanas Trilogy

  1. [Forge of Darkness (non traduit)]
  2. [Fall of Light (non traduit)]
  3. [Walk in Shadow (en cours d'écriture)]

Novels of the Malazan Empire

  1. [Night of Knives (non traduit)]
  2. [Return of the Crimson Guard (non traduit)]
  3. [Stonewielder (non traduit)]
  4. [Orb Sceptre Throne (non traduit)]
  5. [Blood and Bone (non traduit)]
  6. [Assail (non traduit)]

La Voie de l'Ascendance

  1. La Complainte de Danseur (non lu)
  2. [Deadhouse Landing (non traduit)]
  3. [Kellanved’s Reach (non traduit)]
  4. [The Jhistal / Forge of the High Mage (forthcoming)]

The Witness Trilogy

  1. [The God is Not Willing (non traduit)]
  2. [No Life Forsaken (forthcoming)]
  3. [- (forthcoming)]

Tales of Bauchelain and Korbal Broach

  1. [Blood Follows (non traduit)]
  2. [The Healthy Dead (non traduit)]
  3. [The Lees of Laughter's End (non traduit)]
  4. [Crack’d Pot Trail (non traduit)]
  5. [The Wurms of Blearmouth (non traduit)]
  6. [The Fiends of Nightmaria (non traduit)]
  7. [Upon a Dark of Evil Overlords (non traduit)]
  8. [Goats of Glory (non traduit)]


Le Diseur de mots - La Lyre et le glaive, tome 1 / Christian Léourier

Couverture livre Le Diseur de mots de Christian Léourier - critique littéraire -

Récit

Depuis l’accession au pouvoir du hartl Skilf Oluf’ar, la paix règne et la commanderie du Solkstrand prospère.
Lorsqu’on lui refuse le passage d’un pont parce qu’il ne peut s’acquitter du péage, Kelt prédit l’effondrement de la construction. Ainsi sont les diseurs de mots : ils possèdent de drôles de dons, jamais ils ne mentent et, affirme-t-on, leurs vérités ensorcellent.

Arrêté et livré aux geôles du seigneur local, Kelt doit démontrer son innocence lors d’une ordalie. Hòggni, un mercenaire en mal de contrats, accepte de le représenter puis remporte le duel. Toutefois, vexé de sa défaite, le seigneur les missionne alors au Heldmark, où le culte d’un dieu unique se répand plus vite que la peste…

Remerciements

Ce tome m'a été offert dans le cadre de l'opération « Masse Critique » de Babelio. Je remercie Babelio et les éditions Critic pour m'avoir fait découvrir ce livre.

Impression

Pour commencer, je connais l'auteur de renom principalement - et pour son écriture en Science-Fiction - n'ayant lu de lui qu'une nouvelle, en attendant d'attaquer son fameux cycle de Lanmeur (mais j'ai les bouquins... Donc il suffit d'attendre comme on dit).
C'est donc d'un œil neuf que j'aborde cet auteur.

Et là, ne passons pas par quatre chemins : mais quelle plume !
La plume de Ch. Léourier est juste envoûtante. Des mots qui tombent justes. Des mots qui emportent. Des mots qui arrivent à créer un monde plein d'exotisme tout en assurant un lien sans faille.
Un pur délice. À un tel point qu'avec le recul, c'est bien ce qui ressort de ce livre.

Côté rythme, celui-ci est globalement contemplatif, permettant à la fois de découvrir l'univers de ce monde, mais aussi de s'imprégner des multiples conséquences de la géopolitique locale qui se découvrent au fil du livre.
Pas d'action à outrance donc, même s'il serait particulièrement faux de dire qu'il ne se passe rien - les scènes d'actions voyant le temps se condenser - tout en gardant cette rythmique si naturelle à la lecture.

L'histoire en elle-même permet d'une part de chercher, à travers les péripéties qui arrivent aux héros principaux, à découvrir ce qui se cache derrière tous les non-dits, derrière la magie du Diseur de Mots qui semble à la fois connue, mais mal comprise, crainte mais recherchée et surtout redoutée par le Diseur de Mots lui-même.
D'autre part, l'histoire est bien dense. Les retournements de situation ne sont pas légions, mais l'ensemble s’accommode bien avec le rythme du récit et reste toutefois suffisamment complexe / crédible pour ne pas en faire pâtir la lecture.

Côté personnage, les principaux personnages sont très bien dépeints, et heureusement, car du fait que chaque personnage possède plusieurs noms (un public et un privé) et qu'ils sont utilisés alternativement selon les situations, il aurait été facile de s'y perdre. Ici, la confusion n'est que rarement de mise tant chaque personnage est dépeint avec une "saveur" particulière. Rien qu'à la lecture d'un dialogue ou d'un comportement, on sait de suite qui est l'objet du récit. Ça et le fait que le nombre de personnages est relativement restreint, il faut bien le dire.

On pourra notamment apprécier vivement 2 des 3 personnages essentiels de ce tome, à savoir notre Diseur de mots, magicien qui ne peut mentir (une sorte d'Aes-Sedaï naïf pour ceux qui connaissent la Roue du temps) aux pouvoirs... intrigants si je puis dire.
On trouvera aussi dans Hòggni, ce mercenaire à tête de sanglier qui est sans doute le personnage le plus philosophe, un personnage particulièrement attachant.
J'ai personnellement eu plus de mal avec Fille Farouche, de par son caractère qui se veut réfractaire à l'autorité, mais qui se coule à mon sens trop facilement dans son acceptation du destin et de sa situation personnelle.
Gageons que cela pourra changer au regard du titre du second tome.

Note

Un 19/20 pour ce livre.
En bref, cette lecture est un vrai plaisir que je ne peux que vous conseiller. Avec un mot principal qui ressort : envoûtement.
Je lirai évidemment le second tome de ce diptyque dès qu'il sera sorti (ou que ma PAL m'en laissera l'occasion).

Série : La Lyre et le glaive

  1. Le Diseur de mots (avis)
  2. Danseuse de corde (avis)

Les Annales du Disque-Monde / Terry Pratchett - Vue globale

Guide d'ordre de lecture des annales du Disque Monde

Objectif

Cet article est réalisé dans le but de fournir un support autonome aux chroniques que je ferai sur les Annales du Disque-Monde.

Vade-mecum ou c'est par où qu'on commence à lire

Pour commencer, il est bon de savoir que le sens de lecture est donc au choix, soit par ordre de sortie, soit en commençant par le premier tome d'un cycle.
Les tomes d'un même cycle reposent sur une histoire ayant un même fil rouge et avec des protagonistes pouvant varier mais traitant d'un même sujet. En effet, les différents cycles sont globalement indépendants entre eux, faisant intervenir des « héros » à part.

Leur interaction est principalement liée au fait que tout se passe dans le même monde, mais pas aux mêmes endroits. Cela explique que sauf certains points de détails, s'aventurer dans un cycle particulier sans lire les autres n'est pas problématique du tout.

Guide d'ordre de lecture des annales du Disque Monde
Crédit : The L-Space Web

Les différents cycles traitent des éléments suivants :

  • Le cycle de Rincevent suit principalement les pérégrinations de Rincevent, « maje » de son état. À noter que la magie dans le disque-monde est... particulière. Plus généralement, ce cycle traite des mages de l'Université de l'Invisible et de leur art.

  • Le cycle des Sorcières nous amène à côtoyer les sorcières et leurs pouvoirs (qui ne sont pas les mêmes que ceux des mages précédents... mais alors pas du tout. Rien d'aussi grossier n'est-ce pas.). Ce cycle est littéralement jouissif, le meilleur de toutes les annales à mon humble avis.

  • Le cycle de la Mort, où l'on suit les pérégrinations, questionnements et autres activités de la Mort. Personnage mythique des Annales, ce cycle est au coude à coude niveau plaisir avec celui des Sorcières.

  • Le cycle du Guet, où l'on suit Vimaire et sa clique, et où l'on découvre la naissance de la police moderne, mais aussi la vie dans la grande ville d'Ankh-Morpork.

  • Le cycle des anciennes civilisations où il est question de la mythologie du Disque-Monde.

  • Le cycle du progrès où les merveilles de l'industrialisation viennent côtoyer la magie du Disque-Monde. Sans doute l'un de cycle que j'aime le moins.

  • Les cycles des romans pour jeunes et scientifique sont à part, car se passant dans l'univers du Disque-Monde, où l'expliquant, mais sans faire vraiment partie des Annales.

Mais, la question qui pend à vos lèvres est peut-être : mais le Disque-Monde c'est quoi ?
Et bien, le monde de Terry Pratchett est constitué :

  • D'un disque (d'où son nom). C'est donc bien un monde plat.

  • Ce disque est posé sur le dos de 5 éléphants.

  • Eux même reposent sur une tortue géante (la grande A'thuin de mémoire) qui voyage dans l'espace.

  • Enfin la magie y est présente, émanant du moyeu du Disque-Monde, pic gigantesque qui est aussi le lieu où vivent les dieux.

Vous pouvez donc tout de suite voir qu'il s'agit d'un monde Fantasy / burlesque, bourré d'humour.
Oui, mais pas que. Car derrière l'humour et le côté pastiche des (anti-?) héros, chaque annale se voit traiter un sujet particulier, offrant une critique plus ou moins acerbe d'un pan de notre société actuelle.

On notera par ailleurs que le traducteur arrive à rendre la quasi-totalité des nombreux jeux de mots qui émaillent ces lectures. Ce qui laisse donc tout l'intérêt de lire ces livres en français.

Détails de la série : Disque-Monde (Annales et autres récits)

Cartographie des cycles composant le Disque-Monde - Article générique sur le Disque-Monde

Cycle de Rincevent

  1. La Huitième couleur (lu et non chroniqué)
  2. Le Huitième sortilège (lu et non chroniqué)
  3. Sourcellerie (lu et non chroniqué)
  4. Drame de Troll (nouvelle) (chroniqué)
  5. Faust Éric (lu et non chroniqué)
  6. Les Tribulations d'un mage en Aurient (lu et non chroniqué)
  7. Le Dernier Continent (lu et non chroniqué)
  8. Le Dernier Héros (lu et non chroniqué)
  9. Allez les mages ! (lu et non chroniqué)

Cycle scientifique

  1. La Science du Disque-Monde (non lu)
  2. Le globe (non lu)
  3. L'horloge de Darwin (non lu)
  4. Le jugement dernier (non lu)

Cycle de la Révolution industrielle

  1. Les Zinzins d'Olive-Oued (lu et non chroniqué)
  2. La Vérité (lu et non chroniqué)
  3. Le Régiment monstrueux (lu et non chroniqué)
  4. Timbré (lu et non chroniqué)
  5. Monnayé (lu et non chroniqué)
  6. Déraillé (non lu)
  7. Le guide de Mme Chaix (non lu)

Cycle des Sorcières

  1. La Huitième fille (lu et non chroniqué)
  2. Trois sœurcières (lu et non chroniqué)
  3. Les recettes de nounou Ogg (non lu)
  4. Mécomptes de fées (lu et non chroniqué)
  5. Nobliaux et Sorcières (lu et non chroniqué)
  6. Masquarade (lu et non chroniqué)
  7. La mer et les petits poissons (nouvelle) (chroniqué)
  8. Carpe jugulum (lu et non chroniqué)
  9. Les Ch'tits Hommes libres (chroniqué)
  10. Le Fabuleux Maurice et ses rongeurs savants (lu et non chroniqué)
  11. Un chapeau de ciel (non lu)
  12. L'Hiverrier (non lu)
  13. Je m'habillerai de nuit (lu et non chroniqué)
  14. La Couronne du berger (non lu)

Cycle anciennes civilisations

  1. Pyramides (lu et non chroniqué)
  2. La Mort et tout ce qui s'ensuit (nouvelle) (chroniqué)
  3. Les Petits Dieux (lu et non chroniqué)

Autres

  • L'art du Disque-Monde (non lu)
  • La carte du Disque-Monde (non lu)

Cycle du Guet

  1. Au guet ! (lu et non chroniqué)
  2. Le théâtre de la cruauté (nouvelle) (chroniqué)
  3. Le Guet des orfèvres (lu et non chroniqué)
  4. Pieds d'argile (lu et non chroniqué)
  5. Va-t-en-guerre (lu et non chroniqué)
  6. Le Cinquième Éléphant (lu et non chroniqué)
  7. Ronde de nuit (lu et non chroniqué)
  8. Jeu de nains (lu et non chroniqué)
  9. Rejet par l'Université de procédés diaboliques (nouvelle) (chroniqué)
  10. Minutes de la réunion en vue de concrétiser le projet de fédération de scouts d'Ankh-Morpork (nouvelle) (chroniqué)
  11. Où est ma vache ? (non lu)
  12. Coup de tabac (chroniqué)
  13. Le monde merveilleux du caca (non lu)

Cycle de la Mort

  1. Mortimer (lu et non chroniqué)
  2. Le Faucheur (lu et non chroniqué)
  3. Accros du roc (lu et non chroniqué)
  4. Le Père Porcher (lu et non chroniqué)
  5. Procrastination (lu et non chroniqué)

La Face obscure du soleil / Terry Pratchett

Couverture livre - critique littéraire - La Face obscure du soleil de Terry Pratchett

Récit

L'affaire se passe sur la planète Reverseau. Dom Sabalos est l'héritier de toute une planète, de la première Banque de Sirius et de la fortune colossale qui va avec. Il doit aussi devenir le président du Conseil planétaire.

L'ennui, c'est que quelqu'un cherche à le tuer. C'est bien dommage, parce qu'il s'intéresse à des tas de choses dans la vie, Dom. Il aime dompter des siroccoques qui feulent au crépuscule dans le lagon.
Et puis il aimerait élucider l'énigme des Jokers qui ont semé des artefacts étranges dans tous l'univers. Comme la Tour qui se dresse dans la mer et se perd dans la couverture nuageuse de Reverseau. Ou de gigantesques Chaînes d'Étoiles...

Quelqu'un n'a pas envie qu'il découvre le Monde des Jokers. Mais qui ?
Un adepte du Calcul des Probabilités, sans doute. Ce même Calcul des Probabilités qui l'annonce avec une probabilité de plusieurs millions contre une : Dom mourra assassiné le jour de son premier anniversaire, c'est-à-dire demain. Dommage, dommage...

Impression

Habitué à l'humour britannique via la saga du Guide du routard galactique (H2G2 pour les intimes) de Douglas Adams, le Peuple du tapis et les Annales du Disque-Monde de Terry Pratchett lui-même, j'ai été tenté pour voir comment il se débrouillait dans l'espace.
Et bien je dirai comme ça qu'il s'y est perdu.

Antérieur aux premiers tomes des Annales, ce tome porte les prémices d'un personnage de ces dernières à savoir Rincevent, dont on peut retrouver le caractère « chanceux » et les probabilités sur 1 million qui se réalisent 9 fois sur 10 - la couardise et l’absence de réflexion en moins... Encore qu'ils semblent partager un goût commun pour les activités sans intérêt.
Et autant j'aime beaucoup le personnage de Rincevent, autant ici Dom me laisse ni chaud ni froid.

Peut-être est-ce dû à la construction du livre qui fait que pour suivre, il faut se laisser porter... ce qui laisse le lecteur observateur du livre, mais sans y participer.

Question scénario, on est sur un truc qui part en tête-à-queue dès le début du livre, ce qui était attendu. Mais faute d'identification ou à tout le moins d'intérêt pour le personnage principal, l'humour ne prend pas.

Difficile de dire grand-chose d'autre à mon sens. Quand on n’accroche pas, on n’aime pas... Et manifestement, on est relativement nombreux en ce sens.

Note

Un 08/20 pour ce livre.
Une lecture que j'oublierai très vite et que je ne conseille pas, même aux fans de l'humour british que l'on peut retrouver dans les Annales ou dans de Bons présages chez Pratchett, ou bien chez Douglas Adams (H2G2, un Cheval dans ma salle de bain).

En tout état de cause, ce n'est pas par là qu'il faut commencer à découvrir un auteur comme Terry Pratchett.


Le Testament d'involution - Le bâtard de Kosigan, tome 4 / Fabien Cerutti

Couverture - Le Testament d'involution - Le bâtard de Kosigan, tome 4 - de Fabien Cerutti

Récit

Et si l’origine du plus grand lac de la région de Cologne avait un rapport avec une prophétie réalisée en 1341 ?
Et si cette même année, le chevalier de Kosigan avait réveillé des forces qui le dépassent ?
Et si le destin de sa postérité se jouait cinq siècles plus tard dans la cave voûtée d’un bistrot parisien ?
Et si les secrets révélés dans ce livre étaient dangereux ? Et qu’en les découvrant, vous deveniez complice…

Impression

Dernier tome de ce cycle (mais les événements laissent la place à la possibilité qu'un second cycle puisse suivre), ce livre clos la saga en prenant place directement après la fin du tome 3, où l'on retrouvait nos 2 Kosigan en de bien mauvaises postures.

La trame du livre se découpe donc toujours en 2 parties entremêlées, celle se passant fin XIXème et celle de son descendant au début du XXème siècle.

Kergaël de Kosigan (XXème)

Dans cette partie, nous trouvons enfin les explications de ce qui a pu se passer, et de comment cela c'est passé, pour que la magie disparaisse de notre vie.
Une partie intéressante en termes de background puisque pour le coup, on va, à tout le moins dans les grandes lignes, apprendre les tenants et aboutissants de la lutte de ceux qui prônent la magie, de ceux qui veulent la voir réduite au silence... À tout le moins pour les autres.

Le gros bémol toutefois, c'est que plusieurs éléments sont quand même plus qu'évidents, et du coup toute la partie d'enquête sur la fortune de Kergaël m'a semblé soit trop longue soit trop peu complexe.
En bref ça manque d'enjeux, même si on est plus que ravi de voir nos déductions se voir confirmer ou non.

L'ensemble garde toujours la force de sembler possible, à défaut de probable pour ce qui concerne l'intégration de la magie dans notre Histoire.

On notera par ailleurs que la fin de cette trame est particulièrement truculente. En tout cas, j'ai adoré comment l'auteur a su réintégrer l'ensemble du récit et des actions dans notre histoire actuelle, mine de rien, tout en subtilité.

Pierre Cordwain de Kosigan (XIVème)

De son côté Pierre Cordwain de Kosigan poursuit ses activités consistant principalement à intriguer avec tout le monde, remuer le tout et voir quels sont les marrons qu'il peut sortir du feu.
Comme d'habitude me direz-vous, certes, mais là on est vraiment au niveau supérieur : entre 3 à 4 partitions à jouer autour des mêmes éléments centraux, avec tout de même 2 points cruciaux à gérer, à savoir le devenir du monde d'une part (une paille comme on dit), et sans doute le plus important pour le Bâtard, son histoire à propos de sa mère et de ce qui tourne autour de ce qu'il est.
Les enjeux sont donc particulièrement enlevés, et les joueurs particulièrement retors. Le Bâtard a-t-il trouvé ses limites dans ce dernier tome ?
Une seule façon de le savoir : lire ce livre (oui je suis mesquin).

En tout état de cause, un joli final pour le Bâtard qui fait autant appel à la dextérité de son bras d'épée qu'à celle de sa langue.

Le seul bémol que je pourrai émettre, c'est une fin à base de beaucoup d'ellipses temporelles. C'est dommage car ça donne l'impression de vouloir clore le cycle, sans vouloir aller jusqu'au bout. En effet manifestement il y a beaucoup de matière encore à exploiter, et cette fin semble dire que peut-être que l'auteur en restera là avec ce monde... Ce qui est bien dommage à mon sens.
Après cela permet aussi de bien recoller les deux trames temporelles, mais on n'était pas non plus à un mystère non résolu prêt.

Côté personnages, on reste dans la suite directe du précédent tome, puisqu'il en est la continuation directe.
En somme, de Kosigan est égal à lui-même en termes de tortuosité, au point de risquer de perdre ses propres collaborateurs. Ses proches lieutenants conservent leur épaisseur et se révèlent plus ou moins décisif dans l'aventure. En tout état de cause, ils servent réellement.

Enfin, on conserve ce mélange de récit historique mêlée de magie et du pouvoir des contes et légendes. Toujours aussi plausible, d'autant plus avec le final de la trame du XXème siècle.
La qualité la plus importante de ce cycle à mon sens et qui a le mérite d'être constamment là, mise en lumière, mais sans empiéter sur l'histoire. Du grand art en somme.

Note

Un 16/20 pour ce livre, qui termine la saga de manière plus qu'honorable. Il est juste dommage que la trame du XXème me soit apparu si facile à deviner et cette façon de conclure pour la fin du XIVème ; même si clairement le final de cette trame temporelle est plus que classe.
Un joli final, même si je le trouve fondamentalement moins bon que les autres opus. Cela dit rien de bien dramatique... Et en espérant avoir l'occasion de lire les parties passées sous ellipses de notre bâtard à la langue pendue.

Série : Le Bâtard de Kosigan

  1. L'Ombre du pouvoir (chroniqué)
  2. Le Fou prend le roi (chroniqué)
  3. Le Marteau des sorcières (chroniqué)
  4. Le Testament d'involution (chroniqué)

Le Marteau des sorcières - Le bâtard de Kosigan, tome 3 / Fabien Cerutti

Couverture - Le Marteau des sorcières - Le bâtard de Kosigan, tome 3 - de Fabien Cerutti

Récit

1341, sur les traces de son passé, le Bâtard de Kosigan et sa compagnie s’enfoncent dans les profondeurs de l’Empire germanique, d’un puissant seigneur du Rhin.
Les mystères s’épaississent, mêlant complots, magie et religion, sur fond de chasse aux sorcières. Le chevalier devra naviguer avec prudence sur des eaux redoutables où l’Inquisition rôde et où il est parfois difficile de distinguer amis et ennemis.

À quelques siècles d’intervalle, Kergaël de Kosigan tente d’élucider les interrogations soulevées par les écrits de son ancêtre. Mais remuer les secrets de l’Histoire s’avère périlleux et la vérité a toujours un prix.

Joutes verbales, combats épiques, séduction et manipulations ; on retrouve avec grand plaisir la fougue et le panache de la maison de Kosigan.

Impression

Troisième tome de cette série qui en compte 4, je vous préviens dès à présent : commencez en la lecture uniquement si vous avez le 4ème sous la main (ou peu s'en faut).
Autant les
tomes 1 et 2, tout en s'inscrivant pleinement dans une trame visant à découvrir l'histoire du Bâtard de Kosigan et de son héritier, relataient chacun une histoire qui se suffisait à elle-même, autant ce tome 3 finit sur un cliffhanger pour chacun des deux protagonistes. Et clairement le tome 4 n'est que la suite directe de ce tome 3. D'ailleurs le début du tome 4 ne s'en cache pas puisqu'il l'indique en toutes lettres :

Attention, cet ouvrage fait directement suite au tome 3 et ne devrait pas être lu indépendamment.
Ça a le mérite d'être clair et confirme mon impression qu'il s'agit plus de la première et seconde partie du tome 3 que des tomes 3 et 4 stricto sensu.
Vous êtes donc prévenus.

La trame du livre se découpe toujours en 2 parties entremêlées.

Kergaël de Kosigan

La première concerne le descendant du Bâtard et voit sa trame se passer fin XIXème - début XXème siècle.
Cette partie gagne enfin ses lettres de noblesse. Car même si les éléments sont relatés via des échanges épistolaires - ce qui est rarement source d'actions soutenues -, ils n'en gagnent pas moins en actions, rebondissements, et surtout l'on voit enfin poindre ce qui se cache derrière tout cela.
Le tout est raconté tel le déroulé d'une enquête scientifique, et plus cette dernière approche de la situation « actuelle » du Bâtard dans la seconde trame narrative, plus on a la certitude que tout n'a pas dû se dérouler aussi bien que de Kosigan le prévoyait.
D'autant plus que l'enquête moderne éclaire d'un autre point de vue les risques plus ou moins calculés que prend de Kosigan.
Un vrai plaisir que de voir émerger ce sentiment qu'on va enfin comprendre pourquoi de nos jours la magie n'est plus.

Pierre Cordwain de Kosigan

De son côté Pierre Cordwain de Kosigan (ledit Bâtard), raconte sa vie au XIVème siècle, et on quitte le sol de la France pour se diriger de l'autre côté du Rhin dans les jolies contrées du Saint Empire Germanique.
Mais cette fois-ci il va lui falloir jongler avec plusieurs marrons sur le feu, ou comment concilier objectifs personnels, son employeur local - raison officielle de sa venue - et les détentrices des réponses à ses questions - un cercle de sorcières dont la réputation laisse supposer qu'elles ne seront pas spécialement tendres avec lui... encore qu'avec le Bâtard, la tendresse peut prendre diverses formes -.

Encore une fois intrigues politiques, luttes de pouvoir sont à prévoir pour le plus grand bénéfice du Bâtard... s'il arrive à gérer tout cela.

Côté personnages, de Kosigan fait toujours montre de gouaille et d'astuce, mais encore plus que dans le second tome, on voit émerger ses proches lieutenants qui ne servent plus que de faire-valoir, mais gagnent en épaisseur et en importance.
On pourra regretter du coup un tome avec un humour moins marqué, mais l'échange est très équitable pour ce qui est de nous tenir en haleine.

Côté background, on retrouve comme univers ce mélange de récit historique mêlée de magie et du pouvoir des contes et légende. Ce mélange qui me fait dire « Et si c'était vrai ? Et si en fait c'était comme ça que cela c'était passé ? ».
Car sous la plume de Fabien Cerutti et son bagage d'enseignant en histoire, c'est un monde détaillé, tant dans les us et coutume de l'époque, que dans les jeux de pouvoirs que nous nous retrouvons, avec une couche de magie si bien ajustée qu'elle parait pouvoir faire complètement partie de notre vraie Histoire.

Au final actions rocambolesques, humour et traits d'esprit, trahisons et contre-trahisons se retrouvent de nouveau dans ce tome, même si l'objectif personnel du Bâtard tend à mâtiner tout cela d'un peu plus de sérieux dans sa quête... et lui laisse moins les coudées franches.

Note

Un 18/20 pour ce livre, qui dans la continuité du second tome s'améliore en donnant une atmosphère plus intime aux objectifs du récit côté XIVème ainsi qu'en accroissant la densité des personnages entourant le Bâtard.

De plus, l'histoire côté XIX-XXème gagne en actions et rebondissements, ce qui dynamise cette trame que je trouvais par trop présente au regard de ce qu'elle apportait dans les précédents tomes, et qui ici ne se retrouve à la traîne que parce que la gouaille de de Kosigan n'a pas son pareil.

Je lirai rapidement la suite, parce que, s'arrêter ainsi au 3ème tome doit être une torture pour ceux qui n'ont pas la chance d'avoir le 4ème tome sous le coude.

Série : Le Bâtard de Kosigan

  1. L'Ombre du pouvoir (chroniqué)
  2. Le Fou prend le roi (chroniqué)
  3. Le Marteau des sorcières (chroniqué)
  4. Le Testament d'involution (chroniqué)